par Isabelle Noury, Séquences Méta
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4 décembre 2021
Des systèmes multiples Un système, si on se réfère à l’étymologie, se définit comme « une combinaison, un assemblage ». Evoquer un seul et unique Système, sorte de supra description de l’ensemble des individualités et des composantes d’une société… n’est-ce pas trop généralisateur ? Les systèmes sont multiples : systèmes politiques, économiques, sociaux, mais aussi systèmes familiaux, associatifs, de travail, etc. Ils existent à différentes échelles : individuelle, locale, régionale, nationale, internationale… Ils interagissent entre eux : mon système familial entre en relation avec celui de mes voisins, de ma commune, ou encore avec mon système professionnel… Les différents systèmes fonctionnent avec une efficacité inégale. Cette entreprise affiche un chiffre d’affaires en croissance, alors que son secteur d’activité traverse une crise. Dans cette commune, il fait globalement bon vivre, le tissus associatif est dynamique, la solidarité active. Dans cette autre, apparaissent des tensions. Rien n’est tout à fait homogène, non plus, à l’intérieur d’un même système : son fonctionnement fluctue au rythme du temps, des événements et des relations humaines. Ajoutons, et c’est je crois la marque de notre époque, une accélération des interactions sous l’effet des moyens de communication et une mutation des modèles classiques, avec des limites de plus en plus floues entre secteurs, filières, territoires, etc. Peut-on encore nourrir une vision binaire de l’environnement et définir radicalement si on est, ou non, « dans le système » ? Mais de quels systèmes parle-t-on ? Quand un système dysfonctionne… Des dysfonctionnements se révèlent, régulièrement, dans les systèmes. Certains, ponctuels ou isolés, peuvent être assez facilement traités ; d’autres se répètent, parfois sous des formes différentes, constituant les symptômes de problèmes à la fois plus généraux et plus profonds. Ceux-ci touchent à la colonne vertébrale, aux fondements, voire à la raison d’être d’une organisation. Celle-ci apparaît de moins en moins adaptée à son environnement et les crises se multiplient en son sein. Peut-on, dès lors, « sortir du système » ? Oui, sans doute, si on quitte une entreprise ou qu’on déménage. Plus difficilement si on veut prendre de la distance avec un système économique à l’heure de la mondialisation. Et que dire du « Système en général », si tant est qu’il existe ? D ès que des individus sont rassemblés, constituant plus ou moins volontairement un groupe, se crée un système, sur la base d’intérêts mutuels, de relations, de projets et d’objectifs partagés, mais aussi d’histoires, de cultures, de valeurs fondatrices. Sortir d’un système, c’est en rejoindre ou en créer un autre. Sauf à vouloir se marginaliser, à imaginer qu’on peut vivre sans la moindre relation sociale ou à niveler les identités spécifiques et les différences en valorisant une pensée unique à l’échelle mondiale. Peut-on transformer un système ? Au cours de l’Histoire, les systèmes n’ont cessé de se transformer, avec plus ou moins de succès. Et nous faisons l’expérience, aujourd’hui, de mutations profondes. J’ai souvent eu envie d’interroger les systèmes, et partage ici avec vous quelques critères (non exhaustifs) que l’on considère lorsqu’on analyse des organisations : Etre conscient de la coresponsabilité, liée aux relations humaines qui s’exercent même à distance et indirectement. On peut, par exemple, légitimement s’offusquer des salaires pratiqués dans les pays low-costs, on n’en est pas moins responsable (au sens étymologique de « capacité à apporter une réponse ») d’acheter des vêtements à bas prix. Et ce, même si des raisons économiques nous laissent individuellement peu de marge de manœuvre (dans ce cas, le système économique limite le système social). Analyser un système… de manière systémique. La pensée systémique considère la complexité, visualise les interactions, privilégie le « et » au « ou ». Elle permet de penser une organisation comme dynamique, auto-transformatrice. Elle invite à agir de manière simultanée sur plusieurs problèmes, afin de modifier le système globalement et en profondeur. Prendre en compte l’homéostasie des systèmes. Ce processus du vivant qui sert à maintenir des constantes à l’intérieur d’un organisme est puissamment en œuvre dans un système et présente souvent des freins au changement. Transformer un système, c’est s’attendre à des résistances. Développer ses capacités de divergence, pour apporter un regard extérieur, critique et constructif, et exercer sa liberté de pensée. Etre conscient de la nature d’un système et de ses modes de fonctionnement, s’interroger sur son propre positionnement, aide à prendre position et à asseoir des choix. A l’échelle individuelle par exemple, on peut se rapprocher de systèmes dont on partage mieux les valeurs et dans lesquels peuvent davantage s’épanouir nos capacités (associations, réseaux, groupes d’amis, entreprise, secteur d’activités…). Transformer sans rompre. Est-il souhaitable de faire table rase du passé, au risque de se couper brutalement des racines dans lesquelles puise profondément une organisation ? Au risque de ne pas faire fructifier les aspects positifs d’un système, fût-il désormais inadapté ? Transformer, c’est aussi respecter le rythme humain de l’adaptation. Donner une impulsion, voire provoquer un électrochoc, oui. Mais briser ? Voir et entraîner au-delà. C’est peut-être là le rôle particulier des leaders, chefs d’entreprise comme dirigeants politiques : travailler au changement de systèmes pour mieux les adapter aux mutations de leur environnement, en s’appuyant sur les forces et en conduisant le collectif, autant que possible, vers un projet commun. Les systèmes se renouvellent, se recréent, s’adaptent, avec toute la complexité du vivant et, surtout, avec chacun d’entre nous.